Bâtir en pierre sèche, une technique reconnue
Table des matières
Historique de la technique pierre sèche
Les murs en pierre sèche sont bâtis sans aucun liant entre les différentes pierres de tous calibres qui les constituent. La technique pierre sèche est ancestrale et a été utilisée partout dans le monde où l’homme avait besoin de modeler les terrains pour cultiver, bâtir ou pour circuler d’un point à un autre. Empirique au départ, le système constructif « pierre sèche » a évolué de siècle en siècle mais a été momentanément délaissé avec l’exode rural et l’arrivée des matériaux industriels.
En France, l’exode rural, commencé à la fin du XIXème siècle, fut aggravé par les pertes humaines des deux guerres (1914/18 et 1939/45). La vie autarcique des populations rurales, basée sur une agriculture vivrière, n’a pu rivaliser avec les salaires attractifs de l’industrie et des mines. L’attrait du confort urbain contribua à vider les régions de leurs forces vives, faisant disparaître peu à peu tout un mode de vie traditionnel basé sur une occupation particulière de l’espace.
Ainsi, on a pu assister à l’abandon progressif de l’entretien de ce patrimoine pierre sèche, une grande partie des ouvrages allant même jusqu’à disparaître. L’arrivée du ciment, suivi du béton armé et des éléments préfabriqués industriellement, s’auréola du mythe de la « modernité », persuadant les derniers habitants de ranger définitivement l’usage de la pierre sèche au musée “des arts et traditions populaires”. Cependant, ces dernières décennies nous ont fait découvrir les limites et les aberrations de l’utilisation non raisonnée de ces nouvelles techniques, et peu à peu la perception de cette « modernité industrielle » est remise en cause.
Qualités techniques
La « pierre sèche » est un mode constructif caractérisé par un assemblage de pierres posées sans liant. Ce liant, qui dans les murs en pierres maçonnées est constitué d’un mortier de sable et chaux ou ciment, est dans le cas qui nous intéresse remplacé par un calage « à sec » de chaque module constituant l’ouvrage. Cette typologie lui confère d’excellentes capacités pour éviter de faire barrage à l’écoulement des eaux et s’adapter aux mouvements du sol d’assise. Il est question ici de la technique de la pierre sèche dans son ensemble, construction et restauration des murs de soutènement, de clôture et des bâtis. Les environnements concernés sont ceux de l’habitat, de l’agricole, du routier et des chemins.
Le mur de soutènement en pierre sèche :
- est un « mur-poids », stable de par lui-même, qui par sa propre masse et par le respect des règles de l’art lors de sa mise en œuvre, retient la poussée des terrains.
- draine et régularise le taux d’humidité des sols à l’arrière du mur. Le drainage est proportionnel au volume et à la surface du mur.
- stocke des calories produites par le soleil. L’inertie thermique (stockage des calories) d’un mur en pierres sèches est de l’ordre de 12 heures. Autrement dit, dans la journée le mur chauffe et la nuit il restitue au sol et à l’air une partie des calories, tempérant ainsi le site. Ces calories participent aussi à l’évaporation de l’humidité à l’arrière du mur, ce qui a pour effet d’augmenter l’effet régulateur hydrique et thermique.
- offre un habitat favorisant la pleine diversité des espèces végétales et animales. C’est une niche écologique qui participe à la fertilité des sols et à l’équilibre biologique, créant ainsi un écosystème propice à l’agriculture.
- permet d’optimiser tant la surface que l’entretien des cultures sur les terrains en pente.
Le mur en pierres sèches est résistant par la souplesse de sa structure, il peut subir de légers mouvements sans être déstructuré. Il « encaisse » les vibrations (trafic routier, secousses telluriques, mouvements géologiques, chocs lors des inondations, etc).
Le grand avantage du mur en pierres sèches tient à la nature drainante de sa structure. L’absence de mortier permet à l’eau de s’écouler entre les pierres. Le mur de soutènement en pierres sèches retient la terre et permet aux eaux de pluie de s’écouler en ralentissant leur cheminement. Toutes les terrasses d’un versant servent, en fait, de bassin de rétention, et constituent une prévention aux risques d’inondation, (exemple du Gard et des terrasses cévenoles).
En cas de sécheresse, ces mêmes terrasses servent de réserve d’eau. Sa restitution est différée dans le temps. La terrasse de terre, retenue par le mur en pierres sèches, joue un peu le rôle d’une grosse éponge.
Une succession de terrasses de pierre sèche, participe à :
- Créer un micro climat qui tempère le site avec une régulation thermique et hydrique.
- Protéger contre l’érosion des sols.
- Créer un écosystème participant à l’équilibre écologique du milieu naturel https://blog.defi-ecologique.com/pierre-seche/
- Développer une image positive de la production (« marketing territorial »)
Par ailleurs, les sols recouverts en calades de pierres sèches montrent une résistance particulière, dans le temps, aux phénomènes d’érosions hydrauliques et humains.
Arguments pour la pierre sèche
Télécharger les ARGUMENTS POUR LA PIERRE SÈCHE.
Utilisation
Les environnements concernés sont ceux de l’habitat, du patrimoine communal, de l’agriculture avec ses cultures et ses paysages de terrasses, des routes, chemins et sentiers pédestres.
La pratique de la pierre sèche permet la restauration de tout un patrimoine vernaculaire : murs de soutènement, escaliers, niches, cabanes, calades, murets de clôture, etc.…
Une pratique contemporaine
Replaçons au centre de la pierre sèche : « L’HOMME ». Les ouvrages en pierres sèches sont le plus souvent esthétiques. Pour celui qui aime regarder, il est évident que les constructions pierre sèche structurent la qualité d’un paysage ou la beauté d’un site.
Des collectivités locales comme des privés sont de plus en plus sensibles à la nécessité qu’il y a de restaurer et d’entretenir ce patrimoine qui constitue une mémoire locale et une immense richesse à la fois culturelle et esthétique.
Enfin, il importe de relever la pertinence technique des systèmes constructifs en pierre sèche : si l’apparition du béton a dans un premier temps supplanté ces pratiques ancestrales au nom de la « modernité », elles reviennent peu à peu au devant de la scène. Résistant par la souplesse de sa structure et naturellement drainant, un mur en pierres sèches répond aux préoccupations des démarches de « Haute Qualité Environnementale » (H.Q.E.) de développement durable. Les murs, sans liant, consomment peu d’énergie et ont un écobilan très favorable.
La pierre sèche est aussi une solution contemporaine ! Elle participe à la protection des terres et à la valorisation d’un territoire.
Certains produits agro-alimentaires ou viticoles, ou de lieux touristiques caractérisés par des terrasses ou des murs de clôture, bénéficient d’une image qualitative renforcée par l’utilisation de la pierre sèche : c’est du « marketing territorial ».
Évolutions
La pierre sèche est un mode constructif spécifique qui nécessite une technique et une compétence maîtrisées. Ayant une dimension humaine, non industrialisable, non délocalisable et souvent pratiqué dans des environnements remarquables, ce métier contemporain est fait de la maîtrise d’une technique ancestrale qui n’a cessé d’évoluer. Il garde tout son sens aujourd’hui, et s’inscrit dans les enjeux du XXIème siècle (emploi, écologie, patrimoine…) D’autant qu’actuellement le bâtisseur peut disposer de l’aide de certains outils ou engins pour réduire la pénibilité de certaines tâches et augmenter son rendement.
Les effets désastreux des ravinements et des inondations participent à la rapide dégradation de l’environnement naturel. Les interrogations énergétiques et écologiques d’actualité, les attitudes destructives à l’égard de la nature et du patrimoine, suscitent, d’une part croissante de la population, une prise de conscience, un revirement des raisonnements et des comportements. La réhabilitation de la technique de la pierre sèche participe à ce mouvement, véritable défi et espoir pour l’avenir. De nouveau reconnue comme « mode constructif d’excellence »[1], notamment pour les murs de soutènement, la pierre sèche est en pleine évolution. Le monde scientifique travaille avec des praticiens depuis 2002 sur la résistance des murs de soutènement en pierre sèche, de nombreuses thèses et recherches ont été publiées.
Actuellement, la recherche en cours étudie le comportement des murs en pierre sèche soumis aux vibrations (soutènement routier, …) pour comparer sa résistance et sa souplesse aux murs réalisés avec d’autres matériaux.
[1] Jean-Claude MOREL, chef du laboratoire Génie Civil et Bâtiment, École Nationale des Travaux Publics de l’État (Lyon).
Sur les chantiers…
Malgré son statut de savoir-faire ancestral, la pierre sèche n’est pas quelque chose de figé mais apparaît bien au contraire comme une technique en évolution. Cette évolution se retrouve sur le plan pratique avec la mécanisation et les outils au carbure, et sur le plan technique avec la recherche scientifique et l’échange entre professionnels.
Il y a eu des progrès concernant la mécanisation du travail avec engins de terrassement adaptés, brouettes à chenilles et autres outils tels que le marteau pneumatique pour la préparation des assises rocheuses, par exemple. Aujourd’hui, sur les chantiers pierre sèche, beaucoup d’entreprises sont équipées avec des mini-engins du chantier (bobcat, mini-pelle…) capables de réaliser le terrassement et d’approvisionner des pierres sur des zones de travail assez étroites. Cela permet de travailler plus rapidement, et dans des conditions moins pénibles pour les bâtisseurs. Les chantiers importants peuvent être abordés plus facilement, rendant le choix de la pierre sèche possible et compétitif.
C’est pour cette raison que la formation « Ouvrier professionnel en pierre sèche » menée par ABPS à l’École professionnelle de la pierre sèche en Cévennes depuis 2009, comporte un module d’agrément CACES Catégorie I R372M (mini pelle/mini-chargeur). L’acquisition de cette compétence est très appréciée par les stagiaires et les futurs employeurs dans ce secteur spécialisé du BTP.