Ouvrages en pierre sèche

La pierre sèche, des ouvrages aux possibilités infinies

Murs de soutènement en pierre sèche

Ouvrages soutènement pierre sèche - Mas privé, Cévennes

Les murs de soutènement en pierre sèche ont pour rôle de maintenir des terrains, dans des zones plus ou moins accidentées, que ce soit pour y développer des cultures, de l’habitat, ou pour y aménager des voies de communication. Ils ont donc au départ une vocation économique et d’échanges, qui est vitale pour l’implantation de l’activité humaine.

Ces murs en pierre sèche permettent de relever certaines parties des terrains afin d’obtenir des surfaces utilisables pouvant être sensiblement plates et de niveau, et d’éviter leur ravinement par les eaux de pluie. Plus la partie que l’on veut aménager est pentue, plus les murs de soutènement vont être rapprochés et hauts.

Traditionnellement bâtis en pierres sèches, leur construction est très particulière. Il faut s’opposer au poids et à la poussée des terres qui deviennent très lourdes lorsqu’elles sont détrempées. Pour cela il faut un mur lourd, plus lourd que la terre à retenir et les poussées qu’elle engendre. Il doit être très bien bâti, et avec – surtout à la base – de grandes et grosses pierres qui vont loin en arrière pour assurer une stabilité maximum.

Un mur détruit, c’est la terre qui s’en va. Le remonter, c’est éviter que tout se dégrade, c’est aussi conserver un potentiel précieux, même s’il n’a pas d’usage immédiat.

Dans les murs de pierres sèches, il n’y a pas de liant entre les pierres de tous calibres qui les constituent, ni terre ni mortier, et ils présentent de ce fait une multitude d’interstices, de vides, qui les rendent drainants – filtrants, donc assurant la régulation et l’écoulement des eaux dans l’ensemble de leur structure. Ils représentent de ce point de vue, la réponse la plus adaptée aux contraintes d’un terrain.

Murs de clôture en pierre sèche

Ouvrages clôtures pierre sèche - Aubrac

Les murs de séparation les plus courants sont les murs de clôture. Les pierres utilisées sont très souvent issues de l’épierrement de champs. Traditionnellement, ces murs servaient soit à délimiter des parcelles de fonction ou de propriétaires différents (mur de séparation, chemin…), soit à protéger les cultures des animaux comme du vent (jardin, vergers…) et aussi à stocker la pierre.

Plusieurs fonctions de murs à double parement peuvent être distinguées :
– la délimitation d’une propriété
– la bordure d’un chemin
– la protection de parcelles et de chemins contre le vent, les animaux, l’action de l’eau, et pour les sécuriser (parapet)
– la construction des bâtiments usuels et qui seront dimensionnés en fonction de critères liés à leur usage (hauteur du bâtiment, poids de la couverture, présence d’ouvertures…)

La fonction de ces murs va déterminer la façon de les bâtir :
– ceux provenant d’un épierrement qui utilisent beaucoup de modules entassés de façon relativement rustique et qui sont larges à la base et peu hauts. Techniquement, ils n’appellent pas de règles précises et ne seront pas abordés dans cet ouvrage.
– ceux qui sont bâtis de façon soignée et dimensionnés en fonction de leur hauteur qui peut être importante.

Selon l’usage attendu, les murs peuvent être très peu larges à la base et très haut (c’est le cas des bâtiments). Le savoir-faire du bâtisseur prend toute son importance car ce type d’ouvrage nécessite un haut niveau de technicité.

Calades en pierre sèche

Ouvrages calade pierre sèche - Gard

« Les calades sont des aménagements en pierre sèche qui servent au nivellement et au revêtement des sols dans les zones de passage et de fort piétinement.

Les pierres y sont posées de chant, verticalement, sur la tranche bien appareillées et coincées entre elles de manière à ce qu’elles ne puissent pas être déchaussées. On parle encore de sol debout. C’est ce qui distingue la calade du pavage. Ce type de sol convient particulièrement dans la stabilisation des pentes. Bâtie sans mortier, la calade présente une certaine souplesse. Elle encaisse les chocs, et peut subir de légers mouvements sans être déstructurée. Elle peut se déformer au gré des mouvements du sol ou sous le poids des charges qui y circulent.

Enfin, les calades en pierre sèche freinent le ruissellement de l’eau, tout en en absorbant une partie. Les sols font ainsi office de bassin de rétention, limitant les risques d’inondation. Au-delà de la résistance et de la longévité de ce principe constructif, la calade favorise l’insertion paysagère et la protection de l’environnement. »

Bâti et Savoir-faire en Limousin, partenaire ABPS en 2011 pour une formation calade à Croq, dans la Creuse.

Patrimoine de pays en pierre sèche

Ouvrages patrimoine de pays - Cabane de cantonnier, Lozère

Le mode constructif pierre sèche a été utilisé pour construire de nombreux ouvrages autres que des murs de soutènement et des murs de clôture. Il s’agit du bâti vernaculaire à vocation multiple : des granges, étables ou bergeries, des cabanes, des séchoirs, des fours à pain, des fontaines, des puits, des moulins, des glacières …

Pour les ouvrages à vocation agricole, que ce soit pour abriter des animaux ou pour sécher la récolte, la ventilation naturelle apportée par ce type de construction était avantageux. Dans des régions ou la chaux était une commodité rare et chère, comme les Cévennes schisteuses, cette technique a même été utilisée pour construire des maisons d’habitation. Aujourd’hui, la technique de la pierre sèche n’est plus utilisée pour construire les bâtiments (compte tenu de a quantité de pierre nécessaire pour assurer un dimensionnement correct des murs), mais la restauration du bâti vernaculaire reste un enjeu du marché. Des propriétaires privés et publics sont souvent attachés à ces ouvrages traditionnels. Beaucoup de communes souhaitent valoriser ce patrimoine bâti et mettent en place aujourd’hui des sentiers interprétation et des animations liées aux ouvrages (fête du pain, remise en état de marche des moulins pour des animations scolaires et autre…).

La restauration de ces ouvrages, à réaliser toujours selon les règles de l’art, demande une maîtrise des techniques de construction aussi bien pour assurer un aspect historique et patrimonial réussi, que pour la sécurité de l’ouvrage et les potentiels utilisateurs (propriétaires, visiteurs, scolaires…). Compte tenu de la technicité nécessaire, ABPS conseille de confier la restauration du bâti vernaculaire en pierre sèche aux artisans qualifiés, ou non qualifiés comme par exemple aux chantiers d’insertion, comme cela est parfois le cas.

Les cabanes en pierre sèche : bories, cadoles, capitelles, caselles, chibottes, gariottes, orris

On retrouve des cabanes en pierre sèche dans plus de 50 départements (à l’échelle nationale) et dans de nombreux pays du monde, ce qui explique la grande diversité de leurs appellations. Comme les cuves à eau ou à récolte, elles sont bâties avec des pierres choisies et parfois taillées : leur construction fait l’objet de plus de soins. Mais ces édifices subissent les mêmes attaques que les autres murs pour ce qui est des parties verticales. Cependant deux éléments de ces constructions sont beaucoup plus vulnérables que le reste : les voûtes et les linteaux. Les voûtes sont dites « en encorbellement » de par la technique de pose des pierres en corbeau. Cette technique consiste à faire dépasser les pierres à chaque rangée ou assise. Les pierres des voûtes sont des pierres plus ou moins choisies. Pour l’esthétique il est préférable qu’elles soient plates et de la même épaisseur, de manière à former les assises circulaires en couronnes autobloquantes si caractéristiques des voûtes classiques. Elles doivent être suffisamment grandes pour respecter l’effet de contrepoids nécessaire à la bonne tenue de la voûte.

Les voûtes de cabanes en pierre sèche sont généralement en ogive ou demi-sphérique presque toujours à base ronde. Pour les constructions à plan rond au sol, la voûte continue dans le prolongement de ce dernier uniformément jusqu’au sommet. Pour celles à plan carré ou rectangulaire après la partie verticale des murs de la base, une grande pierre (appelée « ancon » en Cévennes) est disposée en diagonale dans chaque angle, en forme de chapiteau, de manière à commencer rapidement la forme ronde de la voûte. Il arrive que pour les cabanes rectangulaires la voûte ne se termine pas en arrondi mais soit composée de deux demi sphères reliées par une partie droite.

Pour assurer l’étanchéité à la pluie, il est nécessaire que toutes les pierres penchent vers l’extérieur. Plus une voûte est haute, moins elle est vulnérable au basculement. Elle est plus facile à réaliser et son étanchéité est meilleure. Lorsqu’une voûte est réalisée à double peau, c’est-à-dire à double voûte, une interne et une externe, l’eau de pluie s’évacue par l’extérieur de l’édifice.

Lorsqu’elle ne comporte qu’une voûte interne l’eau de pluie s’évacue par le milieu du mur. Ce qui a permis à nos ancêtres de concevoir dans l’épaisseur des murs des petits cuvons qui récupéraient l’eau de ruissellement des toits.

Les voûtes sont divisées en deux catégories : les voûtes courtes dont les encorbellements plus grands sont les plus fragiles et les voûtes hautes, dont les encorbellements sont plus faibles, sont les plus résistantes.

Ouvrages hydrauliques

La pierre sèche a permis d’aménager les territoires en veillant à une bonne gestion de la ressource en eau et de sa répartition. On retrouve parmi ces ouvrages :

  • des tranchées stabilisées en pierre sèche, bâties en travers des terrasses de culture, pour canaliser l’eau depuis les crêtes jusqu’aux ruisseaux,
  • des bassins en pierre sèche, étanchéifiés à l’argile pour retenir les stocks d’eau,
  • des voûtes en pierre sèche pour protéger les sources,
  • des canaux en pierre sèche, parfois étanchéifiés à l’argile, pour acheminer l’eau
  • des murs bajoyers clavés pour maintenir les berges de ruisseau
  • des seuils en pierre sèche dans les lits des rivières pour ralentir les flux d’eau
  • etc.

Ponts en pierre sèche

Bien que les ponts routiers soient souvent bâtis avec de la chaux, la pierre sèche est un mode constructif qui a servi pour construire de nombreux ponts muletiers, partout dans le milieu rural où les voies de circulation serpentent sur le territoire.

Ancien pont, nouveau pont de Chaldecoste (48)

Aujourd’hui, ces voies, très souvent des chemins communaux, sont utilisées plutôt par des randonneurs, des cyclistes et des équestres. Par ailleurs, certains ponts sont classés. Des communes propriétaires doivent entretenir ces ouvrages, et certains ponts, parfois en très mauvais état font l’objet d’une restauration lors de la réhabilitation ou l’ouverture d’un chemin. Un exemple de ce type de restauration est le Pont d’Anthony dans le Cantal, entièrement restauré en pierre sèche.

En Lozère, un projet exemplaire a eu lieu, avec la création d’un pont routier au lieu dit « Chaldecoste » (48160). Pour la première fois depuis 60 ans, un pont routier a été bâti en schiste. Très faiblement maçonné à la chaux, la technique de construction s’appuie sur celle de la pierre sèche. Le pont a été suivi au niveau national par des scientifiques dans le cadre du projet PEDRA.

Dans la presse :

Pierre Actual n°913
Pont de Chaldecoste Le Moniteur

Aménagements en pierre sèche, niches écologiques, mobilier…

Aménagement pierre sèche

Si la pierre sèche est intimement liée aux aménagements ruraux (agriculture, gestion hydraulique, cheminements…) de par sa fonctionnalité, elle trouve toute sa place dans des espaces plus urbanisés ou en réponse à de nouveaux usages.

Murs décoratifs et œuvres d’art en pierre sèche

Œuvre d'art pierre sèche - Cévennes

« Le métier d’art est une technique essentiellement manuelle, mise en œuvre par un professionnel hautement qualifié, une production d’objets uniques ou de petites séries ». « Tout art comme tout métier d’art, conjugue l’imagination créatrice et un ensemble de techniques ».
Pierre DEHAYE, membre de l’Académie des Beaux-Arts

« Pour celui qui aime contempler, il est évident que les constructions en pierres sèches structurent la qualité d’un paysage ou la beauté d’un site. Les admirer est un grand plaisir pour les habitants et les visiteurs. Les ouvrages en pierres sèches sont le plus souvent esthétiques. Ce qui est beau à faire et à regarder donne de la qualité à la vie de l’homme… La construction en pierre sèche permet véritablement un travail expressif et créatif, par la qualité de l’exécution et par l’imaginaire des formes et des couleurs. La personnalisation de l’agencement permet à certains de parler d’une écriture et même d’un art. » Roland Mousquès, membre ABPS.

Certains bâtisseurs vont plus loin, créant des formes dans le bâti, utilisant les pierres pour dessiner dans l’ouvrage. Ceci demande une maîtrise de la technique, en plus de l’étincelle de créativité. L’artiste britannique de renommé Andy Goldsworthy a beaucoup utilisé la technique de la pierre sèche dans son landart, souvent bâti pour lui par des bâtisseurs accomplis, et il est loin d’être le seul.
http://www.goldsworthy.cc.gla.ac.uk/search/?search=99&what=stones

Retour en haut